🟩🟩🟦🟦🟥🟥 [portail poids carbone]
Evolution des émissions domestiques et du poids carbone (“consumption-based emissions”) de la Belgique et de la Chine depuis 2001.

Cette page présente les études sur l’évolution des émissions domestiques et du poids carbone de la Belgique et de la Chine. Il est indispensable de bien faire la distinction entre les deux méthodes de comptabilisation des émissions.
Le Bureau Fédéral du Plan préconise en 2023 d’adopter un paradigme “consommation” plutôt que le paradigme “production” actuel afin d’augmenter nos chances de respecter nos engagements climatiques.
Pourquoi dit-il cela, alors qu’en même temps, d’autres sources de données semblent montrer une différence “négligeable” entre les deux paradigmes? C’est ce que j’essaie de comprendre ici.

Remarque préalable : ce ne sont pas les 3èmes chiffres après la virgule qui sont discutés ici, mais les ordres de grandeur, le premier chiffre significatif. Des écarts de quelques % peuvent survenir, dû à des chiffres de population ou d’émissions domestiques légèrement différents par exemple, mais ce n’est pas le point ici.

Post LinkedIn de Jancovici du 20/11/2024 faisant état d’un rapport de Carbone 4 où la Chine “importe autant qu’elle n’exporte”

En image: la différence entre émissions liées à la production (émissions domestiques) et émissions liées à la consommation (poids carbone) dans le Global Carbon Budget 2023 (bleu clair). Après une “chute” début 2000, l’écart revient vers “l’équilibre”. Mais cela ne change rien : ce qui faut, c’est que la production chinoise diminue, donc que ses exportations diminuent, ce qui diminuera aussi ses importations.

Pour planter le décor : en 2009 selon Hertwich et Peters, on avait en 2001:
– l’empreinte carbone moyen d’un chinois : 3,1 tCO2eq/hab/an (table 2 de leur étude )
en tCO2 à la louche : 3,1 * 75% = 2,3 tCO2/hab/an
– l’empreinte carbone moyenne d’un belge : 16.5 tCO2eq/hab/an
en tCO2 à la louche : 16,5 * 75% = 12,4 tCO2/hab/an


– les émissions domestiques d’un chinois : ~2,5 tCO2/hab/an (données IEA )

– les émissions domestiques d’un belge : ~11 tCO2/hab/an

Autrement dit, le poids carbone d’un chinois (2,3 tCO2/hab/an) et ses émissions domestiques (~2,5 tCO2/hab/an) étaient dans un rapport ~1:1. La Chine importe un peu plus d’énergie grise qu’elle en exporte en 2001.
Pour la Belgique, c’est autre chose : son poids carbone (12,4 tCO2/hab/an * 10,3M hab = 130 MtCO2/hab/an) est dans un rapport plus élevé avec ses émissions domestiques (11 tCO2/hab/an * 10,3 M hab = 113 MtCO2/an) que dans un rapport 1:1.
Hertwich et Peters calculent d’ailleurs un “domestic share” de 46% pour la Belgique.
Ca c’était la situation en 2001 donc. Comment le poids carbone d’un belge et d’un chinois a-t-il évolué depuis lors? Est-il toujours d’environ 16,5 tCO2eq/hab/an comme l’estime la plateforme wallonne pour le GIEC en 2018?


Le post de Jancovici (et la figure de droite ci-dessus, extrait du Global Carbon Budget 2024 (ou 2023 ça revient au même) montre maintenant que ce rapport est plutôt plus proche de 1:1, alors comment l’expliquer? Etant donné que dans l’intervale, la production de la Chine n’a fait qu’augmenter, et a priori rien ne permet d’affirmer que nos importations chinoises aient diminué? Exporte-t-on davantage, 25 ans plus tard?
Je tente ci-dessous de remonter aux sources de données pour essayer de comprendre ce “revirement” de situation.


Examniation plus détaillée des documents et sources

En 2009, Hertwich et Peters ont publié une étude (carbon footprint of nations : a global trade-linked analysis) dont la méthodologie est devenue un “standard” dans l’établissement des poids carbone des pays, appelé aussi “consumption-based emissions”, c’est-à-dire la responsabilité “réelle” d’un pays : les émissions domestiques + le bilan imports/exports d’énergie grise (“emboddied carbon”).

Cette étude est basée sur un modèle MRIO (Multi-Regional Input-Output model) alimenté par la base de donnée du projet GTAP (la version 6 de 2005 à l’époque).

C’est par exemple sur base des chiffres de la table 2 de cette étude que la plate-forme wallonne pour le GIEC a rédigé sa lettre n°9 de 2018 :

En passant, la PW pour le GIEC esquisse très timidement la corrélation entre poids (ou empreinte) carbone et revenus dans cette lettre.

On peut donc partir de la base suivante (2009, mais comme dit dans l’étude de Hertwich et Peters les données concernent l’année 2001 même si c’est la GTAP DB 6 de 2005 qu’ils ont utilisé) :

Cela fait un premier point d’échantillonnage :

Pour obtenir d’autres points d’échantillonnage, on pourrait se baser sur ces deux sources :
– le Working paper du Bureau Fédéral du Plan “L’empreinte carbone des régions de la Belgiqu e” de janvier 2023
– le rapport Global Carbon Budget de 2023 qui est une référence ultra-citée . Elle sert par exemple de base pour les infographies de OurWorldInData:

Décomposition de type ~Kaya (source )
(la version 2024 du GCB est toujours en preprint )

A ce sujet, on observe une transition nette aux alentours de 2008:

Après la crise de 2008, on observe une découplage (local / national) entre le PIB et les émissions domestiques, AINSI qu’avec le poids carbone. Cela n’empêche qu’entre 1990 et 2023, le poids carbone de la Belgique, qui représente sa responsabilité réelle au sens de Hertwich et Peters, a augmenté de ~30%

Mais revenons à ces sources, et regardons pour commencer le Working paper du BFP de 2023, portant sur l’année 2015.
Cela est fait sur cette page.
Le résultat se déduit par exemple du graphique 12:

Il faut faut faire la somme pondérée avec la population pour obtenir un chiffre moyen pour la Belgique. En 2015, la population en Flandre était de 6,5 Mhab, en Wallonie de 3,5 Mhab et en région bruwelloise de 1,2 Mhab. La population totale était de 11,2 Mhab.
On a donc une empreinte carbone moyenne de (11,1*6,5M + 9,3*3,5M + 9,8*1,2M) / 11,2 M = 10,4 tCO2/hab/an
– les émissions domestiques d’un belge : (10,5*6,5M + 7,9*3,5M + 3,8*1,2M) / 11,2M ~9 tCO2/hab/an (soit ~100 MtCO2/an)

Cela fournit donc un second point d’échantillonnage en 2015:

Quel éclairage apporte le Global Carbon Budget 2023 sur cette évolution? Et qu’en est-il de celle de la Chine?