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Centre Kaya

Comme la plupart d’entre nous (moi y compris) n’ont pas appris l’identité de Kaya à l’école, qui doit je l’imagine maintenant être enseignée partout, en voici quelques éléments, avec des cas d’application concrets, en graphiques, de la vie réelle (passée) et extrapolée (future).

L’identité de Kaya part d’une tautologie :
CO2 = CO2
CO2 étant le symbole utilisé pour représenter “les émissions de CO2 annuelles” d’un “agent” (un pays, le monde, …), en kg de CO2.

On part donc de l’affirmation que “les émisisons de CO2 sont égales aux émisisons de CO2“.
Ensuite, on multiplie à droite par 1 :
CO2 = CO2 * (PIB/PIB) * (E/E) * (POP/POP)
Avec
PIB = le PIB (en €)
E = l’utilisation d’énergie (en Joules ou kWh ou toute unité d’énergie)
POP = population

Ensuite, on ré-arrange les facteurs :
CO2 = (CO2/E) * (E/PIB) * (PIB/POP) * POP

Et cela fait apparaître différentes grandeurs :
CO2/E (en grCO2/kWh) est l’intensité carbone de l’énergie, ou “l’efficacité” énergétique, qu’on appelera “Eff
E/PIB (en kWh/€) est l’intensité énergétique du PIB, qu’on appelera “Ie
PIB/POP est le PIB par habitant, ou le pouvoir d’achat, qu’on appelera “PA

L’identité se réécrit donc :
CO2 = Eff * Ie * PA * POP

Si l’on s’intéresse au taux de variation (d/dt) des émissions, plutôt qu’à sa valeur absolue, “les produits se transforment en somme” : d(uv)/dt = (uv)’ = u’v + uv’
Et on écrit finalement
%CO2 = %Eff + %Ie + %PA + %POP

Pour obtenir la hausse ou la baisse anuelle des émisisons, il suffit d’additionner les 4 termes de droite.

On pourrait donc être tenté de croire que l’on a 4 leviers indépendants sur lesquels ont peut agir pour diminuer le membre de gauche.


Mais l’identité est contrainte par le couplage entre le PIB mondial et les émissions de CO2 mondiales, donné par la “loi de Jancovici” (couplage CO2<–>PIB):
CO2 = IP * PIB = IP * (PIB/POP) * POP
avec IP ~ 380 grCO2/$ = CO2/PIB = (CO2/E) * (E/PIB) = Eff * Ie
Qui est aussi une identité de Kaya.
En terme de variation, et puisque I est constant (le couplage est une droite) :

%CO2 = %PIB

Diviser par POP à droite ne change rien au taux de variation:
%CO2/hab= %PA

Mais puisque par l’identité de Kaya
%CO2 = %Eff + %Ie + %PA + %POP
Il s’ensuit que la somme %Eff + %Ie + %POP “doit” être nulle.

Si elle n’est pas nulle, alors le CO2 peut varier indépendamment du PIB, et il n’y aurait pas couplage. Or il y a un couplage, à l’échelle mondiale, comme on l’observe jusqu’à présent sur les graphes de l’IEA, qui publie les différents facteurs de l’équation de Kaya sur son site (l’IEA les appelle “CO2 emissions drivers”)

Le “Green deal” ou le “pacte vert européen” prétend ou ambitionne de découpler le PIB des émissions de CO2. Mais il ne s’agit que de délocaliser une partie de l’industrie polluante.
Tant que ~90% de l’énergie mondiale sera fossile, et que ce seront des machines qui fourniront la puissance du système productif, il y aura un couplage entre le PIB mondial et les émissions de CO2 globales.
Si toute l”industrie de “la transition” était en Europe, qu’il fallait produire tout ce qu’on remplace pour améliorer les efficacités, les intensités, etc en Europe, il n’y aurait tout simplement pas de transition. Juste une poursuite de la croissance de l’utilisation d’énergie.

Cependant, dans le Global Carbon Budget 2024 (figure ci-dessous), la décomposition de Kaya mntre une autre structure : les émissions de CO2 sont davantage couplées à l’utilisation d’énergie qu’au PIB. Cela est dû au fait que l’intensité carbone du PIB a diminué. Remplacer du charbon par du gaz produit cet effet :
– la quantité d’énergie consommée ne varie pas (elle continue d’augmenter)
– l’intensité carbone de l’énergie diminue, et donc l’intensité de l’économie.
On a l’identité de Kaya :
%CO2 = %(CO2/E) + %(E/PIB) + %PIB = +0 % –X % + 3X % = + 2X %
%CO2 = %Eff+ %IE+ %PIB
%E = %(E/PIB) + %PIB = %IE+ %PIB = –X % + 3X % = + 2X %
Et donc
%CO2 = %E + %(CO2/E) ~= %E

En Belgique, on observe un découplage entre le PIB (GDP) et les émissions de CO2:

Sur la période 2000 (année de référence)-2022, l’identité de Kaya donne :
%CO2 = %Eff + %Ie + %PIB + %POP
%Eff = – 20%
%Ie = – 40%
%PIB = + 25%
%POP = +15%
==> %CO2 = -20% – 40% + 25% + 15% = -20%
Les gains d’efficacité proviennent en partie du remplacement du charbon (~800grCO2/kWh) par du gaz (~400grCO2/kWh), comme on le voit sur le mix d’énergie primaire :

Ou sur celui des émissions domestiques de GES:

La consommation de gaz a augmenté entre 1990 et 2022, pour remplacer en partie le charbon.

Tandis que les gains d’intensité énergétique du PIB proviennent sans doute en partie d’une tertiarisation de l’économie. Le secteur tertiaire est moins énergivore, mais repose sur des secteurs primaires et secondaires qui sont peut-être délocalisés, et qui font partie de l’empreinte carbone de la Belgique.

Le découplage local en Belgique n’est donc que virtuel. Le “reste” du couplage est délocalisé dans des économies hors de la Belgique. Le secteur tertiaire en Belgique repose sur des secteurs primaires et secondaires.
Par exemple une start-up belge qui fait appel à des stockages de données dans des datacenters hors-UE participe à découpler localement le PIB et les émissions de CO2, mais à l’échelle globale, le stockage de données n’a pas une empreinte carbone nulle.
Le paradigme “production” actuel favoriser de “mettre sous le tapis” les émissions de cycle de vie de certains bien et services qui participent à notre économie.

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L’identité de Kaya permet également de voir sous différents angles les “options” qui s’offrent à nous pour diminuer les émissions de GES sous différents angles.

Par exemple :
CO2 = (CO2/E) * (E/PIB) * PIB = (CO2/PIB) * PIB = IP * PIB
Où IP est l’intensité carbone de l’économie (marchande)

Pour diminuer CO2, il faut diminuer IP et/ou diminuer PIB
Mais IP = (CO2/PIB) = (CO2/E) * (E/PIB)
Donc pour diminuer IP, il faut


En illustration, des graphiques en vrac qui illustrent tout ça.

De nouveau, la direction de la “croissance verte” est “orthogonale” à la direction du couplage “observé” donné par la droite de régression.

Dans le paradigme “production” actuel (Accords de Paris), c’est plutôt la direction du “BAU” qu’on emprunte actuellement. La croissance verte est une direction imaginaire, “orthogonale” aux couplages “du 1er ordre”, qui viole l’identité de Kaya à l’échelle mondiale.
Tandis qu’avec un paradigme “consommation”, c’est vers une réelle décroissance de notre poids carbone (et empreinte écologique) que nous nous dirigerions.


Une des critiques à l’équation de Kaya

Jeux (bidons) avec l’équation de Kaya

💢 Revenir au noeud α
🔱Structure du triangle de Kaya