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Empreinte carbone des biens de consommations et services
[portail poids carbone]

L’empreinte carbone comptabilise les émissions de CO2 (ou CO2eq) des biens et services que nous consommsons à notre profit.
Ces émissions incluent donc les émisisons domestiques des biens et services produits sur notre territoire (et sur lesquelles portent actuellement nos engagements dans le cadre des Accords de Paris), mais aussi les émissions de CO2 issues de la production (et du cycle de vie de manière générale) de biens et services importés (qui n’ont pas été produits sur notre territoire donc), auxquelles on soustrait les émissions de CO2 issues de la production, sur notre territoire, de biens et services exportés.

L’énergie grise d’un bien ou d’un service est un abus de langage. Ce concept ne désigne pas une énergie, mais simplement la quantité d’émissions de CO2 qui a été nécessaire pour produire ce bien ou service, et en réalité, qui a été nécessaire tout au long de son cycle de vie .

Je pars de l’empreinte carbone d’un belge (A), je la compare aux émissions domestiques (B), et je me demande si cette empreinte de 10-15 tonnes/habitant/an n’est pas soit mal-définie, soit sous-estimée (C)

L’esprit est de toujours mieux comprendre nos contributions au dérèglement climatique/environnemental.

Cela amène à un aperçu d’une synthèse d’un rapport de l’ADEME consacré à une des catégories de l’empreinte carbone : les produits de consommation et biens d’équipement via un fil rouge issu d’un exemple imaginé (D).

Tout ça amène des questions auxquelles je n’ai pas trouvé réponse…(E)

A ) Les chiffres & les sources

Pour l’empreinte carbone moyenne d’un belge, je pars de la lettre n°9 de la plateforme wallonne pour le GIEC consacrée à l’empreinte carbone (les images en sont extraites), celle-ci est de ~16 tonnes CO2eq/hab/an, parmi lesquelles 9% (1,4 t) pour les “biens et services acquis par les ménages”.

Ce document est lui-même basé en partie sur l’étude de Edgar G. Hertwich and Glenn P. Peters : Carbon Footprint of Nations: A Global, Trade-Linked Analysis [2], qui met entre autre en évidence la corrélation “parfaite” entre revenus et empreinte carbone.

figure 1 de Hertwich et Peters (2009)

2-3 chiffres clé utilisés ci-dessous :
– émissions domestiques de la Belgique : ~100 Mt/an
– population belge : ~11,5 M hab

B ) Une multiplication

En multipliant la population avec l’empreinte moyenne, on obtient:

16 * 11,5 = 184 MtonnesCO2eq/an

Soit presque le double des ~100 Mt CO2eq/an depuis notre (le) territoire (belge).

C ) Une impression qualitative

Pourtant, sur base de considérations qualitatives uniquement, on pourrait être tenté de penser que les émissions directes ou indirectes induites par l’énergie qui n’a été utilisée que pour notre seul profit (puisque nous sommes les utilisateurs finaux), représentent une part plus considérable de notre empreinte carbone.

En fait, même les rédacteurs de la lettre du GIEC montrent leur limite à quantifier la contribution:
Loisirs, vêtements, appareils ménagers, … Cette catégorie est l’une de celles qui augmentent le plus souvent avec le niveau de revenu [A9]. La consommation étant potentiellement très diverse, nous ne faisons pas d’hypothèses sur son contenu et avons doublé les émissions de cette catégorie par rapport à la moyenne, ce qui reste limité.

Ca tombe bien, l’objet de ce post est justement d’essayer de mieux évaluer cette partie.

– Les émisisons des moissoneuses-batteuse dans le centre des USA qui récoltent de quoi nourrir des boeufs argentins qui finiront dans notre assiette, où “selon Scarborough et al. [A8], la part de la population qui consomme beaucoup de viande émet pour son alimentation environ 2.6 tCO2-éq./an.”?
Quand assumera-t-on la responsabilité de ces émissions? Elles nous profitent (la viande, c’est nous qui la mangeons) et en plus on sait que ça aidera à réduire plus efficacement les émissions.

Un autre exemple/expérience de pensée:

– Un indien qui part en mobylette tous les jours à l’usine pour contrôler une machine (qui consomme de l’énergie aussi) qui fabrique des vêtements qui finiront dans une rue commerçante d’une ville européenne :

Je suppose qu’on comptabilise les émissions induites par toutes les machines entrant en jeu dans les différentes étapes de conception du vêtement : semage, entretien de la culture, récolte du coton, transport jusqu’à l’usine de tissage, tissage, transport jusqu’à l’usine de fillage, fillage, transport jusqu’à l’usine de coloration, coloration, transport jusqu’à l’usine d’étiquettage, étiquettage, transport jusqu’à un dépôt, transport jusqu’à un port, transport par bateau, transport par camion ou train jusqu’au magasin.

Si pas où s’arrête-t-on? Où commencent les émissions domestiques, et où commence l’empreinte carbone?
Et ne fut-ce que moralement, à quel degré est-il censé de se considérer “responsables” (disons “catalyseurs”) des émissions de la mobylette et de l’usine de l’ouvrier indien?

– Qui est responsable des émissions induite par la production d’électricité nécessaire au reffroidissement des serveurs sur lesquels sont stockés les vidéos et qu’on regarde, ou nos boîtes mails? Les USA. Est-ce moral?
A moins de les comptabiliser deux fois, c’est soit sur l’empreinte carbone d’un américain (via les émissions domestiques américaines), soit sur la nôtre (via l’importation de services).
Mais ce sont nos données qui sont stockées, c’est à nous que profite le srevice. Ne devrins-nous donc en porter la responsabilité des émissions?

– On peut continuer les exemples longtemps : le sud-américain qui part en mobylette récolter nos fruits: quelle est notre part de responsabilité dans les émissions du secteur du transport péruvien?
Pourtant, un fruit importé que l’on achète au magasin contient de l’énergie grise, et donc est comptabilisé dans notre empreinte carbone.

En fait avec ce raisonnement, on pourrait être tenté de croire que si en Europe on diminue notre empreinte carbone (correctement évaluée –> où sont les limites?) alors mécaniquement, les émissions de GES en Inde, en Chine, aux USA, au Pérou vont diminuer, même si ces gouvernements ne prennent aucune mesures spéciales (enfin…hormis celles qu’ils devront prendre pour ré-organiser le marché du travail et leur industrie – en réalité nos secteurs primaires et secondaires délocalisés, dont on dépend pour notre mode de vie actuel.)

D ) Des résultats quantitatifs & leurs limites

Ils sont basés sur le rapport de synthèse de l’Ademe avec comme fil rouge, le suivi d’un t-shirt
Tout ça se trouve sur les images ci-dessous en quelques pages:
– les indicateurs-clés du “secteur” de l’empreinte carbone : encadrées en bleu
– les graphiques
– les limites en orange.

99% des vêtements de Inditex (Zara, …) sont fabriqués en Inde ou au Bangladesh : mini enquête en images
L’indicateur “poids” est très largement le plus utilisé en pratique.
Pour un bien, on décompose chaque composant, on le pèse et on obtient sa contribution “CO2eq” en croisant avec une base de donnée “indicateur poids” qui donne des valeurs “moyennes” basées sur des calculs de chaîne de production implicites, et non-transparents.
Tandis qu’avec l’indicateur MIPS, pour chaque composant d’un bien, on évalue la quantité totale de ressources et de matières qu’il a fallu mobiliser pour qu’il se retrouve dans les stocks d’une entreprise qui utilise ce composant, pour fabriquer un t-shirt par exemple (électricité des usines, teinture colorée : nécéssite des activités de minage en amont, des processus metallurgiques, chimiques, etc…)

E) Des questions

Il ressort tout de même pas mal de questions…par exemple :

– Si l’on envisage l’instauration d’objectifs climatiques qui portent aussi sur l’énergie grise, où fixera-t-on la limite entre émissions domestiques et empreinte carbone? (En d’autres mots : pour quel pays comptabilisera-t-on les émissions issues de processus de fabrication/production dont l’utilisateur final est dans un autre pays?)

– la valeur de 1,4t CO2eq/an pour les “biens et services” est-elle cohérente avec les données de l’ADEME?

– quid du “séchage, lavage, repassage” invisible à l’utilisaiton des habits, alors que l’ADEME explique spécifiquement que ces usages sont comptabilisés dans les habits?

Et dans ce cas, à quoi correspond le secteur “utilisation” des séchoirs et machines à laver?

– quelle est la différence en terme d’émissions de CO2 (et non de quantité de matières mises en jeu/mobisliées) entre les résultats de la méthode CED (la méthode standard qui fournit ~16 tonnes/hab/an) et la méthode MIPS? Pourquoi l’ADEME dit-elle que cette méthode ne sert qu’à “la communication et la sensibilisation”, alors qu’elle dit plus tôt que cette méthode n’a juste pas encore la même robustesse que la méthode CED car elle est encore en cours de développement?

La page de Jancovici sur “A combien suis-je esclavagiste? ” sur son site donne le chiffre de 400 esclaves en moyenne par personne. Et cela correspond grosso modo à ce surplus de 50% par rapport aux émissions domestiques. (je n’ai plus les chiffres en tête, c’est de mémoire)

Alors à combien sommes-nous réellement esclavagistes si l’on “fait passer” toutes les émissions relatives à nos usages finaux (jusqu’à où? –> cfr méthode MIPS : inclut-on la culture du coton, le minage des métaux, etc?)


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🔱Structure du triangle de Kaya