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Intensité carbone

source image : ce rapport de l’UNECE, réalisé avec la base de données EcoInvent 3.7

Comment calcule-t-on l’intensité carbone (I) d’un moyen de production d’électricité, c’est-à-dire la quantité de CO2eq émise par kWh d’électricité produite?
Par exemple, comment sait-on que l’intensité carbone de l’éolien, c’est autour de 15 grCO2eq/kwh?

Et bien, en établissant les émissions totales de son cycle de vie , et en les divisant par la quantité totale d’électricité qui sera produite durant la phase d’utilisation de ce cycle:
I = total CO2eq émis / total kWh produits.
I = CO2 / E

A) Le numérateur : CO2

Le cycle de vie d’un moyen de production (ou de manière générale de tout type de bien) consiste essentiellement en 3 phases, qui sont chacune génératrice d’émissions de GES :
-sa fabrication (+ distribution) : X kg CO2eq
-son utilisation : Y kg CO2eq / an (pour une éolienne : maintenance, etc, pour un téléphone portable : recharge)
Si c’est un moyen qui brûle de l’énergie fossile : ajouter la quantité de CO2 émise par les combutions.
-sa fin de vie (incinéré, recyclé, …) : Z kg CO2eq

Pour une éolienne, le plus gros poste est X.
Y est marginal, et Z est fort sensible à la politique de recyclage.

Si on appelle D la durée de vie (la durée estimée a priori de la phase d’utilisation, en années), on connaît donc le numérateur :
CO2 = X + Y*D + Z

On peut directement noter que dans le cadre des Accords de Paris, Y fait partie de nos objectifs (car on recharge son téléphone avec de l’électricité produite sur notre territoire), mais pas X (ces émissions ont été émises en Chine, pour à peine caricaturer : c’est donc la Chine qui en est responsable, dans le cadre des Accords de Paris, qui attribuent la responsabilité d’émissions en fonction du territoire depuis lequel elles sont faites)
C’est pareil avec l’éolien (ou tout autre moyen de production d’électricité) : les émissions hors-territoire national (hors-UE pour ce qui concerne le secteur ETS) dûes à la fabrication de ses composants ne sont pas comptabilisées dans notre budget national (européen).

Si on ne cherche qu’à trouver l’empreinte carbone d’un bien/service, le calcule s’arrête là.
Pour un moyen de production d’énergie/électricité, on divise donc cette valeur par la quantité totale qu’il fournira, afin de calculer son “efficacité carbone” (ou intensité énergétique)

B) Le dénominateur : E

Pour estimer a priori la quantité totale de kWh produite durant la phase d’utilisation, on multiplie simplement la quantité totale produite sur une année avec la durée de vie :
E = E/an * D

On constate directement que l’intensité carbone qui sera obtenue dépend d’une estimation, a priori, de la durée de vie.
Si par exemple, une éolienne se brise après 5 ans, et qu’elle était prévue pour 25 ans, son intensité carbone est multipliée par 5 :
D’ = D/5 = 25/5 = 5 ans
E’ = E/an * D’ = E/5
I’ = CO2 / E’ = 5 * I
La quantité de CO2 restant grosso modo constante, puisque l’éolienne est déjà fabriquée : les émissions dûes à sa fabrication sont déjà faites.

Il ne reste donc plus qu’à déterminer le facteur E/an, c’est-à-dire la quantité d’énergie produite par an.
Celle-ci est égale à la puissance nominale P de l’éolienne (la puissance qu’elle fournit “à plein vent”) multiplié par ce qu’on appelle le “facteur de charge” , c’est-à-dire une estimation de la fraction du temps pendant lequel, au cours d’une année, l’éolienne fournira sa puissance nominale. C’est donc un moyen de “quantifier”, à l’aide d’un seul facteur, une puissance variable tout au long de l’année.

Le facteur de charge atteint parfois 50% pour l’éolien, mais la puissance fournie en moyenne est bien en-deçà de la puissance installée.

C’est donc encore une fois une estimation a priori de conditions météorologiques “ordinaires” durant toute la phase d’utilisation, la première année comme la 20ème.
Pour l’éolien, ce facteur de charge tourne autour de 20-25% (éolien onshore) et 30-40% (éolien offshore). C’est une moyenne annuelle : les éoliennes tournent davantage durant la saison hivernale.
On obtient donc :
E/an = ~25% * P * 1 an
Par exemple, pour une éolienne onshore d’une puissance nominale de 2 MW:
E/an = 25% * 2 MW * (365*24) h = 4380 MWh = 4,38 GWh
Si sa durée de vie D est de 25 ans:

E = E/an * D = 4,38 GWh * 25 =~110 GWh

C) L’intensité carbone (le rapport des 2)

Si par exemple cette éolienne a nécéssité l’émission de X = 1650 tonnes de CO2eq lors de sa phase de fabrication, et qu’on néglige Y et Z, l’intensité de cette éolienne est donc finalement :
I = CO2 / E ~ X / E = 1650 tonnes CO2eq / 110 GWh
I = 1650*10⁶ gr CO2eq / 110*10⁶ kWh = 15 grCO2eq/kWh.

On remarque l’importance de la détermination de cette quantité de CO2 lors de la fabrication. Elle détermine directement l’intensité carbone du moyen de production, et donc permet de mesurer et plannifier notre trajectoire en budget carbone.
On comprend donc pourquoi le choix des bases de données qui établissent ces chiffres pourrait être intéressé, d’autant que les principales diffèrent parfois d’un facteur 8.343.000 pour certains indicateurs et certains biens de consommation!

Cependant, il est très important de (re)noter que ces émissions ne sont grosso modo PAS comptabilisées en Belgique, même si cette éolienne produit de l’électricité en Belgique.
Virtuellement, pour notre budget carbone en terme d’émissions domestiques, et dans l’hypothèse simplificatrice où elle a été fabriquée à 100% hors-UE (éventuellement assemblée en UE, mais les émisisons sont plus marginales), cette éolienne fournit des kWh en ne nécéssitant “que” les émissions dûes à sa maintenance (phase d’utilisation) et à sa fin de vie (si gérée en Belgique).
On met donc “sous le tapis” la phase de fabrication (toujours sous la même hypothèse simplificatrice) : elle n’est pas comptabilisée dans notre budget carbone dans le cadre des Accords de Paris.

L’exemple de l’éolienne n’est peut-être pas le plus pertinent pour illustrer ce “tour de magie” des Accords de Paris, étant donné que, à toutes autres choses égales, le bilan carbone devient relativement vite négatif comparé à des moyens fossiles.
Mais c’est valable pour tout ce qu’on importe : nous sommes les utilisateurs finaux, ceux qui profitons d’un bien/service, ceux à qui l’augmentation du niveau/confort de vie est procuré, et pourtant nous nous déchargeons de la responsabilité pour les émissions de GES qu’ont nécéssité leur fabrication, si ce bien est importé depuis hors-UE.

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