Couplage b : PIB <==> CO2
Puisqu’on a les couplages PIB <==> E et E <==> CO2, il s’ensuit que PIB <==> CO2, c’est ce qu’on observe sur la figure ci-dessous au niveau mondial (données Jancovici):

On peut donc les relier par une “intensité carbone du PIB” IP (en grCO2/$ PIB), et on obtient l’identité de Kaya suivante :
CO2 = (CO2/PIB) * PIB = IP * PIB
Chaque $ (ou €) de PIB mondial génère des émisisons de CO2, via l’intensité carbone moyenne du PIB mondial. Jancovici a calculé sa valeur (voir image) :
PIB = 2,6337 * CO2 – 20382
Ou de façon équivalente:
CO2 = (1/2,6337) * PIB + constante
Où:
IP = d CO2/ d PIB (c’est la pente de la droite de régression)
IP = (1/2,6337) [Mt CO2/milliard de $]
IP = 0,38 MtCO2/10⁹ $ = 380 grCO2/$
“Chaque $ de PIB mondial génère l’émission de 380 grCO2“
(En moyenne, compte tenu du mix énergétique mondial)
On peut le vérifier avec les valeurs de 2020:
CO2 = 40 Gt CO2
PIB = 80.000 G$
Et CO2 = IP * (PIB + 20382)
Soit IP = (40 * 10⁹ * 10⁶ grCO2) / ((80+20,4) * 10³ * 10⁹ $)
= 40.000/(80+20,4) grCO2/$ = 400 grCO2/$
En Belgique, selon l’IEA, on est passé de 350 grCO2/$ en 1990 à 150 grCO2/$ en 2022:

Dans le working paper du BFP sur l’empreinte carbone des régions de la Belgique, le BFP estime l’intensité carbone du PIB à 230 grCO2/$ en Wallonie:

part des émissionns | part du PIB (VA) | Intensité carbone (grCO2/€) | |
Flandre | 71 % | 58 % | 250 |
Wallonie | 26 % | 23 % | 230 |
Bruxelles | 4 % | 19 % | 40 |
Aboutit-on à 150 grCO2eq en faisant la moyenne pondérée des trois régions?
CO2 = (IP, Flandre * 58% + IP,Wall. * 23% + IP,Brux. * 19%) * PIB
CO2 = IP,Belgique * PIB
==> IP,Belgique = 205 grCO2/€
Il faut encore tenir compte des autres GES (les données de l’IEA sont en CO2eq) et convertir en $ de 2015.
Dans le rapport national d’inventaire de l’inventaire national on observe de beaux exemples de coupalge dans le secteur énergétique, sous-secteur “industrie manufacturière”:

- d’une part, on observe un découplage “tendanciel” entre le PIB et l’utilisation d’énergie. Cela est probablement dû en partie à la tertiarisation de l’économie. L’uage d’énergie dans les processus intermédiaires de la production étant délocalisé
- Mais on observe également un couplage “local” (crise 2008, covid, …)
- Ensuite, on observe un couplage tendanciel entre émissions de GES et utilisation d’énergie (couplage CO2<–>E). Sans progrès d’efficacité énergétique, les deux lignes seraient parallèles. Elles s’écartent probablement d’environ 1%/an, ce qui correspond aux gains d’efficacité des 30 dernières années au niveau mondial (cfr centre Kaya)
- On observe un couplage “local” fort également
- Et on observe aussi que c’est l’évolution du PIB qui précède l’utilisation d’énergie (et les émissions de GES dépendent directement de cette dernière). C’est peut-être aussi un artefact de calendrier d’inventaire entre PIB et utilisation d’énergie.
Dans le rapport des causes sont données:
“la consommation d’énergie des combustibles a diminué de 25 % entre 1990 et 2022. Cette
forte baisse est évidemment due à l’impact de la crise économique dans le secteur sidérurgique. Le découplage apparent entre valeur ajoutée et consommation d’énergie peut être attribué à divers facteurs selon les secteurs :
– Dans l’industrie sidérurgique, de nombreuses usines sont passées aux fours électriques depuis 1990. Par exemple, la part des usines sidérurgiques utilisant l’électricité est passée de 9% en 1990 à 35% en 2011. C’est la principale cause de la diminution apparente de la consommation d’énergie, alors qu’une valeur ajoutée stable est observée dans
ce secteur.“
L’identité de Kaya est donc très fortement contrainte : l’e PI’utilisation d’énergie est le principal levier d’action!

en haut à droite : couplage tendanciel entre PIB et utilisation d’énergie (monde)
en bas à droite : couplage tendanciel entre PIB et émissions de CO2 (monde) et 3 trajectoires de scénarios dans le plan PIB/CO2.

Ce n’est que temporaire, et elle le sait.
Ben oui, comme après la guerre : la reconstruction, ça crée du PIB, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été inventé : mesurer l’état de la reconstruction. Le PIB mesure l’activité, les flux, pas les actifs et passifs, éventuellement détruits par le feu. L’avenir est sauf : la croissance est assurée.
Brisons nos fenêtres : ça crée du PIB.
Brûlons nos hêtres : ça crée du PIB.
Le dérèglement climatique et les catastrophes naturelles qu’il crée est une aubaine pour le secteur de la construction, les cimenteries, et tout le secteur industriel lié à la construction, etc.
Et comme toutes ces activités de l’économie sont carbonées, cela empire le dérèglement climatique évidemment. Un peu comme acheter des conditionnements d’air pour contrecarrer les hautes températures. Un cercle vicieux, “diabolique”.
“L’emprise de cette matrice croissantiste sur notre imaginaire collectif est telle qu’au lieu de considérer les conséquences de notre modèle économique sur la planète, nous nous inquiétons des impacts du réchauffement climatique sur le PIB. C’est le monde à l’envers. On imagine facilement notre planète dans toutes sortes de dystopies à la Black Mirror, mais imaginer une économie où l’on produit moins qu’aujourd’hui relève de l’hérésie.“
(Timothée Parrique, Economie de la décroissance)


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🔱Structure du triangle de Kaya