Très très intéressant:
“Le capitalisme désigne un système politique et économique reposant sur :
– la propriété privée des moyens de production
– le libre-échange sur les marchés
– la libre concurrence
En tout cas, c’est ce que j’ai appris à l’école.
Bernard Friot dit un grand : NON.
– La 1ère caractéristique du capitalisme, c’est justement l’absence de propriété de l’outil par les travailleurs, parce qu’il y a un monopole de la propriété patromoniale lucrative (l’autre nom qu’il donne à la propriété “privée” qui ne l’est donc pas vraiment pour les travailleurs)
– Quant au libre-échange, pas du tout : le livre de Thomas Porcher le montre très bien c’est avant tout créer des normes pour assurer des monopoles. Le capital n’utilise le marché que pour construire des monopoles. Et au contraire, l’atlernative au capitalisme peut s’appuyer sur le marché dès lors que le marché est débarassé de la marchandise capitaliste, c’est-à-dire des biens qui sont produits [que] pour mettre en valeur le capital de la propriété patrimoniale lucrative.
(donc vendre pour vendre, et non pour l’utilité de la marchandise vendue)
Frederic Rodon a dit en 2014 : “Comme Marx l’avait remarqué le capitalisme, c’est-à-dire le salariat, est une prise d’otage de la vie humaine. Dans une économie monétaire à travail divisé, nulle autre possibilité de reproduire la vie matérielle que d’en passer par l’argent du salaire, c’est-à-dire l’obéissance à l’employeur“
Bernard Friot dit un grand : NON.
Le salaire, tel qu’il a été institué par le code du travail en 1910, est une victoire de la CGT, en tant qu’outil anti-capitaliste justement. Le code du travail lui-même est un outil anti-capitaliste (une victoire sur le capital)
Car il s’institue autour du terme de qualification, autour de l’invention de la qualification, c’est–à-dire de définir le salaire non pas sur les besoins dont la force de travail est porteuse pour faire telle activité. Au contraire, les syndicats vont imposer le salaire à la qualification, qui est une reconnaissance d’une contribution à la production de valeur économique -minorée du profit, évidemment- et mieux encore, la bagarre autour du statut de la fonction publique va inventer le salaire à la qualification personnelle, et pas simplement à la qualification du poste comme dans la convention collective de 1919, qui fait que si on a pas de poste, “on est à poil”.
Dans la qualificaiton personnelle, telle qu’elle se construit, avec le grade de la fonction publique, la distinction entre le grade et le poste, là on a une affirmation que la personne est titulaire du salaire et de la qualification, et c’est une institution qui balaie le marché du travail.
Or le marché du travail est une institution décicive du capitalisme, qui découle de la propriété patrimoniale lucrative, et qu’il faut combattre et que le mouvement syndical a su combattre.
Et donc ce n’est pas en faisant fi des institutions du salaire qu’on va pouvoir sortir du capitalisme, au contraire il faut s’appuyer sur elles. (Il y a le statut de la fonction publique, il y a le régime général de sécurité sociale, etc)
En aucun cas on ne peut définir le capitalisme par le salariat. Le salariat, c’est une institution [une victoire syndicale contre le capitalisme], c’est une classe en train de se construire. De même que la bourgeoisie s’est progressivement construite entre le 14ème et le 18ème siècle pour imposer un autre mode de production que le mode de production féodal, le salariat est une classe qui est en train de se construire pour imposer le communisme à la place du capitalisme”.
La présentatrice:
“En effet dans le cas de la fonction publique ou du salaire à vie sous forme de pension, on voit bien que c’est détaché d’une subordination à l’employeur. Mais il y a quand même beaucoup de cas de figure où le salaire passe par une subordination à l’employeur, et donc une subordination au marché, aux réquisits du capital, un sentiment de devoir obéir à tout un système de valeur qu’ils ne reconnaissent pas. D’où votre idée d’étendre le principe du salaire socialisé à l’ensemble de la société“
Bernard Friot:
De faire du salaire un droit de la personne. Que la qualification, qui est le fondement du salaire, qui n’est pas le diplôme, qui n’est pas une mesure de l’activité qu’on est en train de faire, mais de la contribution qu’on est en train d’apporter à la production de valeur économique.
La qualification doit devenir un attribut personnel, c’est un droit politique qu’il faut créer, à partir de 18 ans pour tous. Mais ça suppose évidemment que le salaire ne soit plus versé par l’entreprise.
On a pu faire une début de salaire lié à la personne parce qu’il y a un trésor public qui permet de socialiser le salaire à un niveau beaucoup plus considérable que chaque administration.
C’est pour ça que les capitalistes veulent que les masses salariales soient affectée à chaque administration (que chaque hôpital paie ses soignants, que chaque entreprise paie ses retraités), pour que progressivement on ne puisse plus faire de salaire à la qualification personnelle dans la fonction publique.
Aujourd’hui, c’est toujours possible pour les soignants ou pour les retraités car vous avez des caisses d’assurance qui socialisent la valeur.
Le coeur du capitalisme, enfin des conséquences de l’appropriation de l’outil de travail par le capital, c’est que nous sommes en permanence niés comme producteurs. Nous sommes reconnus comme des êtres de besoin, qui ont droit à du pouvoir d’achat, mais nous sommes niés comme les producteurs de la valeur et ayant la légitimité pour en être souverains.
Autant la classe dirigeante accepte que nous soyons titulaire d’un diplôme, autant elle n’accepte pas du tout que nous soyons titulaires d’un salaire.
Faire du salaire, et de la qualification donc puisque c’est le support du salaire, un attribut politique lié à la personne, c’est une mesure communiste. (parce que anticapitaliste çe me va pas, on peut pas faire rêver sur de l’”anti”)”
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