Laissez-moi vous raconter une petite anecdote, pour illustrer certaines citations relatives aux “degrés universitaires”, comme par exemple “le système ne choisit pas les meilleurs, il choisit les plus conformes, et c’est dangereux” (Albert Jacquard) ou “you can have a PhD and still be a complete idiot” (Richard Feynman)

Ca dévie un peu en autobiographie, alors pour ceux qui n’ont pas envie de lire ça : passez simplement votre chemin, merci 🙂

En rhéto, vers le mois de mars, avec 2 autres amis, nous avons été exclus de notre école (le Collège du Christ-Roi à Ottignies), mais avec la possibilité de passer les examens de fin d’année.

(Nous avions été pris en récidive à fumer lors d’une retraite à Taizé, pendant que d’autres buvaient en toute impunité).

C’était la 3ème fois que je me faisais exclure. La 1ère fois, c’était pour ne pas avoir retiré un site web que j’avais fait, où il était notamment question de classer les filles (oui, avant Facebook, c’était en 1999), et la seconde fois, pour ne pas avoir voulu retirer un piercing à l’arcade, que je cachais pourtant sous un sparadrap quand j’étais dans l’enceinte de l’école. Mais les filles pouvaient avoir des boucles d’oreille. Bref.

Pour nous, c’étaient comme 4 mois de vacances supplémentaires. J’ai pu faire de la programmation c++ et écrire du rap à plein temps. Un cadeau du ciel, finalement.

Nous avons tous les 3 réussi nos examens en juin, en autodidactes.

Deux semaines plus tard, je passais du premier coup l’examen d’entrée ingénieur civil à l’UCL, en ayant fumé un joint avec un ami rencontré par hasard entre l’épreuve de trigonométrie et l’épreuve d’algèbre.

Plusieurs de mes camarades qui étaient en math 8 avec moi, qui suivaient depuis parfois la 5ème secondaire des cours préparatoires le samedi ou le mercredi après-midi pour l’examen d’entrée, l’ont raté en juin. Je n’ai rien fait de tout ça, j’ai juste refait des exercices des examens des années précédentes, disponibles en ligne.

L’un d’entre eux, ayant choisi, comme la moitié des étudiants à peu près, une mineure en gestion (plus facile, et aussi permet de bien maîtriser les moyens de s’en mettre plein les poches), travaille maintenant à Dubaï, à construire des bâtiments de luxe. C’est sans doute quelqu’un de très respectable.

Il faut savoir que la faculté des sciences appliquées est la seule qui permet à ses étudiants de choisir une mineure dans n’importe quelle autre faculté. Par exemple, un étudiant en droit ne peut pas choisir une mineure en mécanique, mais un étudiant ingénieur peut choisir une mineure en droit, ou en musique, ou en langues, ou en philo et lettres.

Pour ma part, j’avais choisir une majeure (mécanique) et une mineure (chimie-physique) au sein de ma faculté, non pas car c’était plus facile, au contraire, mais parce que ça me permettait d’apprendre un maximum dans les domaines qui m’intéressaient alors, et d’assoir et étendre ma connaissance.

Je doute que ceux qui choisissaient une mineure en gestion le faisaient par passion pour la gestion.

Beaucoup de petits fils à papa, avec leur pull en laine bordeaux et la chemise en-dessous, et leurs mocassins. Et moi, libre, fumant, monté de brumes violettes, dont les profs découvraient la tête le jour de l’examen. J’ai manqué des visites d’usines ou des labos qui comptaient pour 2 points dans la note finale du cours, quand d’autres misaient dessus pour le réussir.

J’ai commencé mes études en pensant vouloir faire l’informatique, mais c’était ennuyant, et j’en faisais déjà depuis mes 15 ans, je n’apprenais rien, et surtout j’ai découvert la beauté de la physique, je me suis donc orienté vers la physique fondamentale, puisque le programme le permettait.

Au point que j’avais choisi un sujet de mémoire avec un professeur au sein de la faculté des sciences, où j’avais pas mal de cours vu mon orientation. Le sujet (la quintessence en cosmologie, de la théorie quantique des champs dans un espace-temps courbe) a été validé fin d’année, et en début d’année suivante, on m’annonce qu’il est “trop physique, pas assez ingénieur”, et je me retrouve à devoir choisir parmi les sujets restants, ceux que personne n’a voulu. Sur les écoulements grannulaires en thermodynamique irréversible. Ca m’a dégoûté, et je n’ai jamais rendu mon mémoire. Sans aucun regret : j’avais appris tout ce que je voulais, et c’était la seule chose qui m’importait. Je pouvais maintenant, si je voulais, réfléchir à une théorie géométrodynamique des champs quantiques, et j’étais en mesure de comprendre n’importe quel sujet technique en profondeur, de la théorie des cordes à la Cosmologie, en passant par la science des matériaux.

Et puis c’est aussi à peu près à la même période que je suis tombé sur l’interview de Jancovici dans la revue AILouvain d’octobre 2011 “Aurons-nous l’énergie” (au sens propre et surtout au sens figuré), qui a marqué un tournant dans ma vie.

Merci pour votre écoute.

En photo,

(Ce post a pour seul but de construire ma légende lol)

Lors de ma visite de 3 jours du CERN dans le cadre du cours de physique des particules à la faculté des Sciences. (c’est le détecteur CMS du LHC)